2 September 2023

Witness: How a layman, father of 3 children has read the Instrumentum Laboris

Europe
Format: Texts & Image
Type: Formation material, Other
Organisation: Informal Organisation

Recension du texte « Instrument de travail » de la commission du Synode de Rome, synthèse des 14 contributions continentales, avec une introduction « Ce que j’ai mieux compris… », suivie de quelques commentaires.

1 / Ce que j’ai mieux compris de ce synode « La Synodalité dans l’Eglise » :

         Le pape François agit en faveur de ce synode par des actes avec la refonte du règlement de la vie des synodes : il vient d’y introduire la présence des laïcs avec droit de vote dans ces rencontres réservées avant aux seuls évêques : 70 laïcs (10 par continent multipliés par les 7 continents) vont donc faire leur entrée en octobre 2023 en plus des 210 évêques, soit ¼ de l’assemblée. C’est significatif de sa démarche d’appliquer déjà ce qui s’est vécu au niveau des Assemblées continentales : faire que l’Eglise soit « entière » donc avec des laïcs, en la sortant de « l’entre soi des clercs ».

Cette consultation des continents a aussi été double : Une expérience en présentielle et une expérience de travail via Internet, les deux en parallèles et indépendantes. C’est donc 14 contributions continentales qui ont été envoyées à Rome et qui ont servi de base de travail à la commission pour le synode pour réaliser le texte « Instrument de travail » recensé ci-dessous.

         En parallèle, je vois mieux ce que le synode veut faire avec la première session de travail en octobre 2023 à Rome : faire vivre à un plus grand nombre d’évêques du monde les conversions qui se sont produites au niveau de chaque continent en amenant leurs Eglises à s’écouter de continent à continent et à accepter de dialoguer. Il poursuit ainsi le processus de la synodalité, initié dans chaque Eglise locale, départementale et nationale, puis continentale et, enfin, pour l’Eglise mondiale, avec cette première session d’octobre 2023. Ce sera là, une nouvelle expérience en Eglise. La publication par le Secrétariat du synode à Rome du texte « Instrument de travail » servira de base à la réflexion des deux Assemblées lors de la première session. Il faut donc ne pas s’attendre à des décisions concrètes suite à cette première session, ce sera davantage l’affaire de la seconde session en octobre 2024.

2 / Recension du texte « Instrument de travail » :

Après un rappel de tout le processus synodal avec ses nombreux allers et retours : Rome et tous les diocèses du monde, les diocèses et les Eglises nationales (leurs contributions), les Eglises nationales et Rome,  Rome et les 7 continents (le DEC puis les 14 contributions continentales), les 7 continents et Rome, enfin le texte romain « Instrument de Travail » pour la session de travail à Rome pour l’Assemblée synodale en propre en octobre 2023. Cela peut paraître compliqué mais ce synode est voulu comme un processus, expériences nouvelles successives vécues dans le temps (3 ans), participatif avec tous les composantes de chrétiens, laïcs et clercs, qui ne s’étaient jamais rencontrés ainsi pour s’écouter et échanger : cela prend / prendra du temps pour pouvoir porter des fruits à la longue.                                                                                

Ce texte clair a deux grandes parties seulement : la première pour réfléchir sur la synodalité et ses traits concrets et la seconde sous la forme de trois fois cinq fiches pour amorcer les échanges des participants (présents physiquement / présents par Internet) afin d’approfondir leur convictions autour de trois pistes -proposées par le pape dans la grande consultation qu’il a lancé il y a deux ans- et reprises par les 7 continents pour cette première session du synode en octobre à Rome : Communion, participation et mission dans toute l’Eglise, du local au mondial, de la base à Rome, pour tous les chrétiens et les Institutions ecclésiales.

A / Pour une Eglise synodale. Une expérience intégrale.

A1 : Traits caractéristiques d’une Eglise synodale

En 12 paragraphes, ce texte souligne 12 aspects concrets de cette Eglise à promouvoir qui sont des « convictions partagées » sur l’Eglise à travers les sept continents (19) :

*Les chrétiens partagent une même dignité « donnée par le don de l’Esprit au baptême qui fait membre de la famille de Dieu » ; il y a donc dans cette famille une communion et une coresponsabilité de tous les baptisés (20).

*Cette dignité commune et la coresponsabilité dans la mission doivent s’exercer réellement par tous les chrétiens (Laïcs et clercs) dans un espace, l’Eglise (21).

*L’écoute donnée et reçue par ces chrétiens à tous les niveaux, partout et dans les deux sens doit se trouver dans ce lieu (22).

*L’humilité doit être pratiquée par l’Eglise parce qu’elle a beaucoup à apprendre et beaucoup à demander pardon (23).

*Du fait de l’unique baptême, la rencontre et le dialogue doivent se vivre avec les autres confessions chrétiennes (œcuménisme / 24).

*Cela doit se faire aussi avec les autres religions, leur culture et société (25).

*L’ouverture, l’accueil et l’acceptation de la diversité doivent faire que tout le monde doit se sentir dans ce lieu comme un bienvenu (26).

*Ce lieu, l’Eglise, doit porter « l’amour et la vérité » (Eph 4, 15-16) (27).

*Porter aussi, sans hâte, les tensions pour les gérer dans le temps en approfondissant la communion, la participation et la mission (28).

*Dans ce lieu doit être reconnu l’incomplétude de tout ce qui s’y vit mais rester ouvert aux surprises partout, celles de Dieu comprises (29).

*Lieu où l’on porte les questions en suspens en s’aidant de la liturgie (30).

*Enfin, laissez partout de la place à l’Esprit de Dieu, le discerner pour être une Eglise « capable de prendre des décisions prophétiques par l’Esprit » (31).

A2 : Une manière de procéder dans une Eglise synodale : la conversation dans l’Esprit. « Cette conversation ouvre à l’intimité (des participants les uns avec les autres), puis à une écoute commune de l’Esprit ».

« Mais, s’il n’y a aucun pas dans une direction précise, souvent inattendue, qui mène à une action concrète, il ne s’agit pas d’une authentique conversation dans l’Esprit » (pas de conversion) (33). « L’Esprit, l’authentique protagoniste, qui envoie en mission… » (34)

« La prise de parole et l’écoute des participants et participantes deviennent liturgie et prière, dans lesquelles le Seigneur se rend présent et les entraine vers des formes toujours plus authentiques de communion et de discernement (35). Cette conversation dans l’Esprit construit la communion et apporte un esprit missionnaire (Emmaüs, Lc 24, 13-35) (36).

Les N° 37 à 41 présentent les trois étapes de la méthode de la « conversation dans l’Esprit / spirituelle ». L’importance de cette méthode et celui d’avoir des accompagnateurs / formateurs dans cette pratique pour que l’Eglise devienne synodale à tous les niveaux de sa vie et dans le monde entier (42). Suit un schéma qui illustre cette méthode utilisée tout au long de l’actuel processus synodale.

B / Communion, mission, participation

Ces trois mots cristallisent les trois questions prioritaires pour l’Eglise synodale. Elles « ressortent le plus fortement des travaux des sept continents ».  Ces trois priorités demandent d’être abordées du point de vue de la théologie (donc des évangiles et de l’Evangile) et du droit canonique, de la pastorale (théologie pratique) et de la spiritualité (43) «… la prise de conscience croissante que l’orientation missionnaire constitue l’unique critère fondé sur l’évangile pour porter l’organisation interne de la communauté chrétienne, la distribution des rôles et des charges et la gestion de ses initiatives et structures » (44).

Pour chacune des trois questions qui suivent -question à saisir avec la méthode synodale- il est proposé 5 fiches pour chaque question. Ces fiches sont des portes d’entrée complémentaires pour se saisir de la question.

         B1 : Témoin de l’union avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain.

Question 1 : Comment être davantage signe et moyen de l’union à Dieu et de l’unité de tout le genre humain ? (46-50) (Reprise d’une citation de Vatican II).

Cinq fiches sont proposées. Elles ont toutes la même structure : quelques mots sur le contexte de la question / L’énoncé de la question à discerner / Des éclairages et perspectives pour discerner ce qu’il est souhaitable de proposer.

         B2 : Coresponsables dans la mission (52-55).

Question 2 : Comment partager les dons et les taches au service de l’Evangile ?

Cinq fiches sont proposées en Assemblée ou en plus petits groupes qui alterneront.  Selon le contexte du groupe de travail, il choisit la fiche qui permettra un apport issu de son expérience de terrain pour l’ensemble de l’Eglise.

         B3 : Participation, gouvernance et autorité (56-60).                        

Question 3 : Quels processus, structures et institutions dans une Eglise synodale ?                                                                                                 

Cinq fiches sont proposées : L’objectif de ce travail, c’est d’apporter les approfondissements théologiques et canoniques en vue de la 2ème session d’octobre 2024, afin d’élaborer des propositions concrètes pour grandir en tant qu’Eglise synodale, puis de présenter ces propositions au pape.

Voici les grandes lignes des fiches pour l’Assemblée synodale 2023 :

Cinq fiches pour B1. Une communion qui rayonne.

B1.1 : Comment servir la charité, l’engagement pour la justice et le soin de la maison commune nourrissent-ils la communion dans une Eglise synodale ?

B1.2 : Comment une Eglise synodale peut-elle rendre crédible la promesse que « l’amour et la vérité se rencontrent » Ps 85, 11.

B1.3 : Comment une relation dynamique d’échanges de dons entre Eglises peut-elle se développer ?

B1.4 : Comment une Eglise synodale peut-elle mieux remplir sa mission grâce à un engagement œcuménique renouvelé ?

B1.5 : Comment pouvons-nous reconnaître et intégrer la richesse des cultures, et développer le dialogue avec les religions à la lumière de l’Evangile ?

Cinq fiches pour B2. Co-responsables de la mission.

B2.1 : Comment cheminer ensemble vers une conscience partagée du sens et du contenu de la mission ?

B2.2 : Que faire pour qu’une Eglise synodale soit aussi une Eglise missionnaire « toute ministérielle » ?

B2.3 : Comment l’Eglise de notre temps peut-elle remplir sa mission en    connaissant et promouvant davantage la dignité baptismale des femmes ?

B2.4 : Comment les ministères ordonnés, dans leur relation avec les ministères baptismaux, peuvent-ils être valorisés dans une perspective missionnaire ? (En France, avant, les évêques parlaient de ministères non-ordonnés ; là il est dit : « ministères baptismaux », c’est significatif. Rappelons : le ministère baptismal devrait  être vivant parmi les clercs).

B2.5 : Comment renouveler et promouvoir le ministère de l’évêque dans une perspective synodale missionnaire ?

Cinq fiches pour B3. Participation, gouvernance et autorité.

B3.1 : Comment renouveler le service de l’autorité et l’exercice de la responsabilité dans une Eglise synodale missionnaire ?

B3.2 : Comment pouvons-nous faire évoluer les pratiques de discernement et les processus de prise de décisions d’une manière authentique en renforçant le rôle de l’Esprit ?

B3.3 : Quelles structures peuvent être développées pour consolider une Eglise synodale missionnaire ?                                                   

B3.4 : Comment façonner les instances de synodalité et de collégialité impliquant des groupements d’Eglises locales ?

B3.5 : Comment renforcer l’institution du synode des évêques pour qu’il soit l’expression de la collégialité épiscopale au sein d’une Eglise entièrement synodale ? (c’est-à-dire d’une « Eglise entière », laïcs et clercs. Pour les synodes diocésains ils sont l’expression de la coresponsabilité des baptisés, donc des laïcs et des clercs).

3 / Quelques commentaires

         Voilà un texte qui dégage une perspective de la vie en Eglise qui donne envie de respirer à plein poumons et de vivre avec tous les chrétiens et tous nos contemporains. C’est trop rare pour un texte ecclésiastique pour ne pas le souligner ! Pourquoi ? Ce texte ouvre toutes les fenêtres et portes de l’Eglise et promeut une qualité des échanges internes et externes très exigeante. Il emploie un langage plus simple, plus proche de la vie donc plus concret. Il accepte aussi d’employer des mots courants qui font trembler les courants chrétiens traditionnels et même conciliaires : Eglises locales, simples chrétiens (de la base / « gens des rues »), diversité, tensions, angoisse, politique, radicalisme évangélique, convictions partagées, gestes prophétiques… En plus, il faut constater l’absence de mots devenus par routine des coquilles vide et qui fleurissent dans les textes de Vatican II.

Ce texte donne une image de l’Eglise qui est celle d’une grande « Fraternité », forcément ouverte sur l’extérieur, avec l’usage de l’Eglise primitive et de Jésus lui-même des mots « sœurs » et « frères », en écoute et en dialogue avec tout le monde, porteur d’une espérance de vie, cette fois-ci éternelle : vers les autres chrétiens que catholiques, autres croyants religieux ou non, incroyants et indifférents, hommes de bonne volonté de tous bords…

Il introduit clairement l’Esprit de Dieu à la première place dans la vie des baptisés, cœur de la vie de l’Eglise et de chaque chrétien, dont il faut discerner les cheminements : pour ce faire, il donne une trame et un schéma, pour apprendre concrètement et collectivement à faire la « conversation spirituelle » qui permet d’écouter ce que l’Esprit dit aux Eglises.                

Ce texte réhabilite un peu Jésus de Nazareth, l’homme, son état d’esprit, avec le rappel de gestes et comportements que ce texte souligne (21 / 22 / 35 / 7 / 8). Ces rappels sont importants, car l’esprit de Jésus montre l’Esprit de Dieu, son travail en cet homme précis, « premier né » d’une longue série…

Il replace le sacrement du baptême au centre de la vie chrétienne en le disant fondamental, donc premier dans la vie de tous les chrétiens ; mais, surtout, le plus important par rapport aux autres sacrements.

Cela ouvre peut être ainsi la porte à l’éclosion d’une réelle spiritualité pour les laïcs qui l’attendent de longue date. Un autre passage de ce texte va d’ailleurs dans ce sens : « La prise de parole et l’écoute des participants et participantes deviennent liturgie et prière, dans lesquelles le Seigneur se rend présent… (35) Cette conversation dans l’Esprit construit la communion et apporte un esprit missionnaire » (36). Que disent les principaux textes du NT sur cette spiritualité des laïcs ? « Quand deux ou trois sont rassemblés en mon nom… » / Le dialogue de Jésus avec la Samaritaine / Mt 5, 23 et 25 34- 46 / Le chapitre 8 de l’épitre aux Romains : ils donnent les principaux traits de cette spiritualité du laïc. Avec ces textes, nous sommes là, au ras des pâquerettes du quotidien des chrétiens dans leurs différents lieux de vie qui ne sont pas les paroisses, et qui sont pour eux des plus importants. C’est ce qui se passe dans les couples, les familles, les chrétiens des quartiers qui marchent à la suite de Jésus.

Reste ensuite à rééquilibrer la prise en considération du mystère de la création (« Dieu vit que tout cela était très bon ! ») par rapport à celui omniprésent de la rédemption (mais pas de rédemption sans création) ; de même, à réhabiliter l’humanité de Jésus de Nazareth par rapport à sa divinité, mystère central dans le christianisme avec l’incarnation. Nous avons là alors la base de cette spiritualité baptismale dont Paul a été un exemple vivant mais, très particulier : exemple parce que tout comme nous, il n’a pas connu l’homme Jésus et, très particulier, parce que des révélations individuelles fortes lui ont signifié une mission particulière dans l’Eglise et de rester célibataire : aller vers les païens pour parler de la puissance de Dieu (l’Esprit pour Paul). Et, ce faisant, le synode travaillerait aussi pour les clercs qui vivent dans le monde, tout comme les laïcs, avec pour le moment un cadre de vie canonique/juridique par rapport à Rome et à leurs diocèses, un cadre d’exercices spirituels et de culte qui sont monastiques : cette situation n’est pas claire, ni saine, tant au plan de leur insertion dans la société que leur insertion dans l’Eglise. Si le synode améliore ces points importants dans/pour l’Eglise, les clercs pourraient alors devenir des envoyés selon l’ordre de Jésus de Nazareth et selon celui de Melchisédech. Et, que d’énergie spirituelle pourrait alors être libérée dans la vie de l’Eglise !

         Enfin, les chrétiens du Val de Marne qui participent aux rencontres d’une « Maison d’Evangile » ne seront pas surpris par le cœur de ce texte, la présentation de la « conversation spirituelle / dans l’Esprit », car c’est la méthode qu’ils utilisent entre eux à chaque rencontre pour échanger.

Bertrand François, Villeneuve le Roi le 30 août 2023